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Entrepreneuriat : demain sera féminin, par Viviane de Beaufort

Après la signature par le secrétariat d’État chargé des Droits des femmes d’une convention globale avec les référents de l’entrepreneuriat comme la Caisse des dépôts, la BPI ou les réseaux professionnels féminins pour faire en sorte que l’objectif affiché de 40% de créatrices d’entreprise devienne réalité, il parait pertinent de s’intéresser de plus près à ce qui se trame du côté de la génération Y.

Pour rappel, entre 28% et 32% des entreprises nouvellement créées le sont par des femmes. Un chiffre acceptable par rapport à la moyenne européenne. Mais que signifient ces pourcentages si nous omettons de les rapporter, d’abord, aux espoirs déçus ? Car le pourcentage de création projetée entre hommes et femmes est quasiment équivalent ; il y a donc une déperdition de projets plus importante chez les femmes. Ensuite, il faut mettre ce chiffre en perspective du nombre d’échecs car, après 3 ans – seuil consacrant la pérennité de l’entreprise -, le nombre de projets montés par des femmes chute. Enfin, leur entreprise demeure trop souvent de toute petite taille. Il y a de manière récurrente et malgré les outils mis en place une difficulté certaine à se développer, liée tant à des facteurs externes (accès aux financements, filières de formation moins bien adaptées…) qu’à des freins internes dus aux stéréotypes qui perdurent : l’entrepreneur se décline au masculin, les femmes ont peur des risques, manquent de vision…

L’ambitieux objectif de 40 % requiert-il une mobilisation de tous les acteurs ? Certes, cela pourra être utile, mais en se penchant sur les Y, nous découvrons une bonne surprise : les jeunes filles et jeunes femmes créeront peut être davantage que leurs congénères masculins dans les années qui viennent, et souvent en duo avec eux.

Être sa propre patronne

Les jeunes semblent en effet fort désireux de créer leur entreprise, les filles plus que les garçons. Celles-ci anticipent qu’elles seront déçues du salariat, sont lucides sur le fait que le plafond de verre perdure, revendiquent plus que jamais de pouvoir articuler vie personnelle et vie professionnelle, et sont davantage touchées par le chômage… Créer leur entreprise, c’est créer leur activité, travailler « à leur mode » et en fonction de leur timing. La réussite de leur projet fait partie intégrante de la réussite de leur chemin personnel.

Entreprendre sans complexe

Ces jeunes femmes se projettent dans le rôle d’entrepreneur. Les freins moteurs ? « Connais pas ». Ces fameux « complexes » que la majorité des créatrices de la génération précédente avait intégrés au plus profond d’elles-mêmes semblent avoir disparu. Elles n’ont pas peur de se lancer, la question du genre ne se pose plus. La prise de risque ? « Elle est intrinsèque à l’entreprise ». Et, de toute façon, « c’est zéro risque car avoir tenté l’aventure, c’est valorisant sur un CV. » Les barrières au démarrage et au développement semblent largement réduites par les réflexes des Y. Si l’orientation dans les services reste une réalité, il y a matière à rendre le service innovant en ayant le réflexe technologique. Elles vont le chercher là où il est, celles-ci ayant pris le parti de valoriser leurs compétences et leurs expertises plutôt que de se morfondre sur ce qui leur manque. D’où les projets mixtes ou en équipes de filles comme le fait de prendre rapidement la décision de déléguer ou de travailler avec des sous-traitants. Bien sûr, cela requiert un financement suffisant. Mais, précisément, l’absence de capital personnel sera compensé par l’utilisation de tous les modes de financement possibles. Elles articulent les prêts et le crowfunding, et écument les réseaux de financement. Leur porte est ouverte dès le départ aux investisseurs et leur structure juridique est pensée pour cela.

Grandir en tribu

Les Y disposent d’une parole plus libérée que leurs aînées. Elles cherchent des mentors afin d’exprimer leurs doutes et de poser leurs questions dans un univers bienveillant, organisent aussi un comité stratégique (embryon d’un conseil d’administration) afin d’avoir auprès d’elle des parrains et marraines, sources d’expertise et d’expérience et aptes à ouvrir leur réseau. Pour sortir de l’isolement et partager, ainsi qu’être en mesure de prendre de la hauteur lors de séances collectives d’elevator pitch (exercice de communication orale qui consiste à se présenter et à mettre en valeur son projet face à un partenaire ou investisseur potentiel dans un laps de temps très court), elles pratiquent le « co » tous azimuts, du co-llaboratif au co-working. Elles vont également chercher l’incubateur adéquat selon la nature de leur projet. Certaines réfléchissent mêmes en termes de qualité de vie : elles ne se précipitent pas toutes à Paris, et certaines en partent.

Soigner sa réputation

Les Y travaillent leur notoriété, même au-delà de leur projet. Elles sont actives sur LinkedIn, lancent des blogs, twittent régulièrement… Elles ont compris que les investisseurs, les clients, et toutes les parties prenantes attendent et évaluent aussi la personne derrière le projet. Se créer une réputation, une expertise sur un sujet lié au projet, c’est un atout de confiance majeur pour la suite, c’est exister en tant que soi avec un story-telling. C’est sans doute l’un des facteurs les plus différenciants vis-à-vis des autres générations. Le marketing classique a vécu.

Se former sur le web

Une question sans réponse ? Un problème irrésolu ? Comme un réflexe de Pavlov, elles utilisent naturellement les sites d’informations, l’enseignement à distance comme les MOOCs, mais prennent aussi le temps de se rendre dans les salons professionnels, d’assister à des conférences, d’intégrer les Jeunes Chambres de commerce. Elles posent leurs questions à leur communauté virtuelle directement sur leur page Facebook, interpellent leurs anciens professeurs…

Au-delà de leur niveau d’étude, de leur origine et du type de projet qu’elles préparent, les Y partagent des caractéristiques communes : elles osent, s’entourent, vont chercher l’information, partagent, et maîtrisent parfaitement les réseaux sociaux. Elles passent du temps à élaborer leur projet, connaissent leurs points faibles, et appréhendent globalement la problématique du développement de l’entreprise dont le financement.

Aucun risque à entreprendre, sinon celui de réussir. Et, si cela fonctionne, elles revendront leur entreprise pour lancer d’autres projets. Mais les Y, très réceptives et ouvertes au monde, peuvent avoir tendance à s’éparpiller et avoir du mal à structurer la mise en œuvre de leur projet. L’impatience de la jeunesse peut jouer, mais elles peuvent être tentées de se laisser décourager par le temps nécessaire à sa construction. Mais les entrepreneures de la génération Y, en quête de sens, ne sont pas près de lâcher le morceau.

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Source : hbrfrance.fr

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